La santé à l’ère du numérique et les nouveaux rôles du patient

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans le secteur de la santé au cours des prochaines années, et pour cause : elles permettraient notamment d’améliorer la qualité des soins, de les rendre plus efficaces et d’en réduire les coûts.

Sans aucun doute, la révolution de la santé numérique est à nos portes. Mais ses bénéfices anticipés tardent cependant à se concrétiser et sa mise en oeuvre rencontre de nombreux défis : protection des données, réglementation des applications et dispositifs connectés pour en assurer l’efficacité et la précision, ainsi que le développement de modèles d’affaires adéquats pour instaurer les partenariats appropriés avec le secteur entrepreneurial de l’innovation en santé (Malvey et Slovenski, 2014).

Si la santé numérique ne tient pas encore toutes ses promesses, on observe toutefois un usage significatif et croissant de l’Internet santé par la population générale et les organisations de santé. Les patients investissent également les plateformes du web social pour y partager, entre autres, leur expérience de la maladie et obtenir du soutien social.

Des recherches (Fisher, 2013 ; Tjora, 2014) soulignent par ailleurs l’intérêt de la population à utiliser ces technologies pour créer de nouvelles opportunités de communication – entre patients, avec des professionnels de santé, etc.- afin d’améliorer les soins reçus, favoriser l’empowerment et, au final, être plus engagé dans leurs soins.

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L’e-patient fait désormais partie du paysage de la santé. Cette expression désigne, à l’origine, un patient engagé, participant entièrement à ses soins de santé et qui se considère comme un partenaire de soins à part égale, au même titre que les professionnels de santé qui l’accompagne.

L’e-patient utilise les nouvelles technologies pour mieux comprendre ses problèmes de santé, identifier les ressources disponibles et évaluer les options de traitements qui s’offrent à lui afin de faire le meilleur choix possible pour améliorer sa santé et celle de ses proches.

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Évolution indispensable pour les uns, source d’inquiétude pour les autres, il n’en demeure pas moins que la technologie transforme le secteur de la santé, à l’instar d’autres sphères de la société, et qu’il est essentiel de réfléchir à son impact potentiel sur les soins, et à faire évoluer les pratiques en conséquence.

En effet, les changements systémiques auxquels nous convie cette révolution des TIC sont considérables, car pour réellement tirer avantage du virage numérique, il ne s’agit pas seulement d’implanter des solutions basées sur les technologies, mais d’instaurer une véritable culture de l’innovation (Malvey, Slovensky, 2014).

En outre, cette nouvelle vision de la gestion des réseaux de la santé doit aussi s’accompagner d’un changement de paradigme : il faut passer d’une logique de volume (nombre de visites et de procédures médicales réalisées) à celui de la valeur (garder les patients en santé ou améliorer leur condition).

Dans ce contexte, la santé numérique serait un terreau fertile et propice pour soutenir une telle transformation.  En effet, le patient est invité à assumer une plus grande responsabilité en s’engageant davantage dans ses soins et en adoptant des comportements et un style de vie sains. Il peut non seulement désormais accéder à de l’information santé en ligne, mais il peut également être accompagné et soutenu par différents outils, comme les dispositifs de santé connectés qui lui permettent de mieux contrôler glycémie, hypertension, etc.

À cet égard, les politiques en matière d’usage des TIC en santé doivent tenir compte des nouveaux rôles que peuvent jouer les patients, mais aussi ceux qu’ils sont prêts à endosser. En effet, il faut également tenir compte des patients qui sont réfractaires aux outils numériques pour diverses raisons (accessibilité, littératies en santé et numérique, etc.) afin qu’ils ne se retrouvent pas en marge du système de santé (Dumez, Minvieille, 2017).

Pour mieux comprendre le phénomène, examinons trois types de relations aux TIC, établies dans le cadre de l’étude Digital patients : A Typology of Emerging Patient Roles menée par Tjora (2014), à l’Université norvégienne des sciences et de technologie.

On y présente une typologie des rôles émergents des patients afin de mieux appréhender toute la complexité des changements (et des non-changements) liés à l’introduction de la santé numérique. Quatre angles d’analyse ont été privilégiés pour les définir :

Consommation : les relations sont analysées sous l’angle du marché où les acteurs sont considérés comme des vendeurs ou des acheteurs de produits et services, dans le contexte du développement du secteur privé en santé.

Communication : l’emphase est placée ici sur les interactions entre les acteurs qui échangent de l’information, négocient les termes et les conditions des soins et de santé.

Communauté : les observations se concentrent ici sur une pluralité de formes de communautés ou de processus communaux.

Responsabilité : l’accent est mis sur la façon dont le risque est géré, dans les sociétés occidentales, dans un contexte où l’on observe un certain désengagement de l’État, où les individus et les familles doivent assumer une part plus importante de responsabilités dans la gestion des soins de santé.

Les trois tableaux suivants combinent les types de relations (objectivation, activation et engagement) ainsi que les différents angles d’analyse présentés ci-dessus, illustrant la complexité des rôles du patient à l’ère de la santé numérique, et en corollaire, ceux d’autres acteurs comme les professionnels de santé.

Si ces plateformes ont le potentiel d’ouvrir un réel espace de discussion entre les patients et les professionnels de santé, Tjora (2014) estime toutefois qu’il y a toujours une forme de relation de pouvoir où certains professionnels de santé considèrent l’existence de tels forums comme une menace à leur statut d’expert.

 

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La santé numérique et le développement de l’expertise patient

Si l’on vise une plus grande autonomie du patient dans le continuum de soins, le développement de son expertise n’est pas sans créer quelques tensions avec les professionnels de santé. En effet, des plateformes du web social offrent dorénavant aux patients des tribunes et des espaces d’échanges indépendants où des communautés peuvent se créer sans l’intervention d’un professionnel. La qualité de l’information qu’on y retrouve préoccupe les professionnels de santé, parfois à raison, et peut les conduire à avoir des a priori négatifs sur la capacité des patients à exercer leur jugement à cet égard.

Dans un monde idéal, le patient peut co-construire son parcours de soins en collaboration avec les professionnels de santé qui, en retour, considèrent son savoir expérientiel et l’intègrent comme membre de l’équipe soignante à part entière.

Conclusion 

La recherche norvégienne souligne la complexité du processus de création de nouveaux rôles pour le patient et de l’adaptation nécessaire pour les rendre effectifs à l’ère de la santé numérique.

Tjora souligne qu’il est étonnant de constater que les rôles et les responsabilités des patients et des professionnels de santé se cantonnent encore, pour la majorité, dans de vieux modèles qui, dans la société d’information où le citoyen est de plus en plus proactif, peuvent occasionner des tensions, voire des conflits entre les différents acteurs du réseau de santé.

Enfin, il faut considérer que le point de focus le plus important est la qualité du soin offert au patient et qu’une approche multidisciplinaire soutenue et renforcée est une des premières pistes de solutions à envisager pour réussir le passage vers la santé numérique.

Sources et références :

Tjora, A. (2014). Digital Patients : A Typology of Emerging Patient Roles, récupéré de : http://ceur-ws.org/Vol-1251/invited1.pdf

Dumez, H. et  Minvielle, E. (2017). «La santé numérique redonne-t-elle vraiment du pouvoir au patient?» https://theconversation.com/la-sante-numerique-redonne-t-elle-vraiment-du-pouvoir-au-patient-78084, The Conversation.

Malvey, D. et Slovensky, D. «The Possible Future of mHealth: Likely Trends and Speculation», mHealth, Springer, 2014, p. 187-208. http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4899-7457-0_9

 

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