Cette expression de Daniel Defert, président de AIDES France, résume bien l’idée générale de la 30e édition du colloque Jean-Yves Rivard, événement qui s’est déroulé le 24 janvier dernier sous le thème La participation des usagers et des patients dans le système de santé : de la relation de pouvoir à la collaboration.
Organisée par le Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal, en collaboration avec des partenaires du réseau de la santé, cette journée de réflexion conviait les gestionnaires, les professionnels de la santé et les chercheurs à faire le point sur la participation des citoyens, des usagers et des patients dans le système de santé.
Solutions d’hier : problèmes d’aujourd’hui?
Le système de santé actuel a été globalement construit pour répondre aux maladies infectieuses aiguës qui décimaient la population au début du 20e siècle (tuberculose, pneumonie, etc.) avec pour caractéristique d’être notamment centré sur les experts, la recherche et hospitalocentriste. Efficace, ce modèle de soins a su répondre aux impératifs sanitaires de l’époque; un succès qui se mesure aujourd’hui, au Canada, par moins de 3% de décès attribuables à des maladies aiguës (2012).
Cependant, dans le contexte actuel de la forte progression des maladies chroniques, force est d’admettre que le système de santé ne répond pas adéquatement aux enjeux contemporains, alors que 89% des décès sont causés par des maladies chroniques au Canada.
L’émergence du e-patient
La grande majorité des citoyens âgés de 65 ans et plus souffre d’au moins une maladie chronique et plus de 30% des personnes atteintes de maladie chronique en combinent plus de deux. Ainsi, ces personnes et leurs proches doivent composer, au quotidien, avec des maladies et leurs cortèges de symptômes. Dans ce contexte, le malade devient lui-même soignant après une certaine expérience de la maladie. Rien d’étonnant à ce qu’il cherche (et son entourage) à en apprendre davantage sur sa condition, l’évolution de la maladie ou encore les traitements visant à atténuer les symptômes, par exemple.
L’accessibilité à l’information joue évidemment un rôle clé et la population se tourne de plus en plus vers une ressource facile d’accès, disponible en tout temps et confidentielle… Internet fait désormais parti du paysage de la communication santé, d’ailleurs l’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet établissait que 69,9% des internautes connectés à domicile avaient fait des recherches sur des questions de santé en 2009 (Statistiques Canada, 2010).
Ce qui bouscule évidemment la relation patient-médecin… Car l’accès aux connaissances scientifiques, la remise en question du modèle paternaliste médical sont quelques uns des facteurs qui ont amené le Québec et d’autres pays à revoir les relations de pouvoir qui existent entre «celui qui est censé ne pas savoir» et «ceux qui sont censés savoir».
Un patient partenaire de l’équipe de soins
Dans ce contexte, la place du patient est devenu centrale. Le système de santé doit apporter des changements importants dans sa culture et considérer dorénavant le patient comme un partenaire, un acteur au même titre que les autres professionnels de la santé dans la prise de décision de son parcours de soins et de ses traitements.
Qu’est-ce qu’un patient partenaire?
- Le patient partenaire est une personne progressivement habilitée, au cours de son cheminement clinique, à faire des choix de santé libres et éclairés.
- Ses savoirs expérientiels sont reconnus et ses compétences de soins développées par les intervenants de l’équipe clinique.
- Respecté dans toutes les aspects de son humanité, il est membre à part entière de cette équipe pour les soins et services qui lui sont offerts.
- Tout en reconnaissant l’expertise des membres de l’équipe, il oriente leurs préoccupations autour de son projet de vie et prend part ainsi aux décisions qui le concernent.
- La notion de patient inclut celle des proches.
Changement de paradigme
Le Bureau facultaire d’expertise patient partenaire de l’Université de Montréal, une initiative innovatrice, compte instaurer cette nouvelle culture en développant notamment des programmes de patient partenaire d’enseignement auprès des étudiants en science de la santé. Il assure également la promotion d’une approche en partenariat de soins et de services auprès des intervenants des différents établissements de soins affiliés à l’Université.
D’autres initiatives ont été présentées au colloque, mais elles demeurent encore méconnues, faute de plateformes pour les promouvoir. Le Centre universitaire de santé de McGill, le Centre de réadaptation Marie Enfant du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, l’Institut universitaire en santé mentale de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine et l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal ont présenté leurs initiatives et expériences de ce virage important, dans un esprit de collaboration entre le patient, ses proches et les différents membres du personnel soignant. Leurs présentations sont disponibles sur le site consacré à l’événement.