La communauté PatientsLikeMe peut-elle changer la médecine?

PatientsLikeMe est une communauté virtuelle à part : ses membres ne font pas qu’échanger sur les aléas de la maladie dans les forums de discussion; ils transforment leurs histoires personnelles en une vaste base de données qui pourrait mener à une importante transformation des pratiques médicales. Les informations générées à partir du «savoir expérientiel» des patients peuvent-elles être utile au réseau de la santé ? C’est le pari de PatientsLikeMe, une communauté de personnes atteintes de maladies chroniques créée en 2004. Développée à l’origine autour de la maladie SLA (sclérose latérale amyotrophique) dont le frère du fondateur était atteint, la communauté s’est également intéressée à d’autres maladies neurologiques, notamment la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques et, plus récemment, aux problèmes de santé mentale.

La gestion des maladies chroniques : en enjeu majeur

Documenter quotidiennement l’état de santé, l’expression des symptômes et l’efficacité des traitements privilégiés par les patients tels que les médicaments et leurs dosages, les produits naturels, les thérapies, les pratiques alternatives… Le projet de PatientsLikeMe est ambitieux et suscite un vif intérêt. Et pour cause. À l’ère où la gestion des maladies chroniques est en voie de devenir un enjeu fondamental dans les systèmes de santé occidentaux, l’Institut de la statistique du Québec observe une augmentation significative de leur prévalence au Québec et fait le constat suivant (1):

Si la tendance se maintient et avec le vieillissement de la population et la recrudescence des facteurs de risque (par ex. : obésité, sédentarité), le fardeau des maladies chroniques devrait s’alourdir, tant pour les personnes (sur le plan de la qualité de vie notamment) que pour le système de santé (2,3,4).

Un dossier médical complet en ligne

PatientsLikeMe témoigne de cette réalité, comptant aujourd’hui plusieurs milliers de membres, essentiellement aux États-Unis et au Canada. Ces derniers sont invités, outre la participation classique au forum de discussion, à créer un profil et à partager des informations personnelles : âge, sexe, état de santé incluant les diagnostics reçus, l’évolution des symptômes, les traitements -prescrits ou non- et les effets observés. Ces informations sont présentées sous forme de graphiques très lisibles, permettant de se comparer et d’entrer en contact avec d’autres patients atteints de la même maladie. This is your « stickman ». If you put your mouse over it you will see an explanation. The stickman is a graphical representation of a patient’s current MSRS score. The color of each section of the stickman reflects the severity of the disease in that part of the patient’s body. The level of severity is an approximation based on the answers to the MSRS survey. Green represents the mildest level of current severity, yellow represents moderate severity, and red represents the most severe symptoms.

Modification de la relation patient-médecin

Les outils de gestion de PatientsLikeMe permettent également d’imprimer un rapport assez complet avec tableaux et graphiques à l’appui qui s’avère pratique dans le cadre de consultations médicales. Plusieurs patients témoignent que les informations du site et une documentation à l’appui leur ont permis de convaincre leur médecin de modifier un traitement ou d’en tenter un nouveau qui s’est avéré bénéfique par la suite. Ces patients souhaitent désormais s’inscrire dans un rapport de collaboration avec l’équipe de soignants. Cela modifie évidemment la relation patient-médecin traditionnelle où le patient est davantage passif et adhère au traitement sans remettre en question les décisions du médecin traitant. Pour l’American Medical Association (AMA), cette nouvelle attitude peut conduire à certaines dérives. L’AMA estime que les outils proposés sur le site de PatientsLikeMe présentent un réel danger. Bien qu’elle juge l’idée excellente, l’AMA redoute que des personnes en arrive à considérer les informations compilées sur le site comme un avis médical, voire une prescription. Si PatientsLikeMe encourage effectivement à l’action et à la prise en charge de sa santé, les administrateurs recommandent toutefois de consulter un médecin avant de modifier tout traitement.

Une entreprise au service de la santé?

L’AMA se dit également préoccupée par l’administration du site car PatientsLikeMe est une entreprise qui, contrairement aux médecins, n’est pas tenue de respecter un code d’éthique. Le modèle d’affaire n’est pas basé sur la vente de publicité, le site en est exempt, mais plutôt l’exploitation de la base de données. Recueillies de façon volontaire par les internautes qui s’inscrivent, ces informations sont une véritable mine d’or pour les compagnies pharmaceutiques qui souhaitent évaluer, par exemple, la pertinence d’un traitement, ou ses effets secondaires, voire même identifier de nouvelles indications. C’est aussi une alternative aux coûteux essais cliniques réalisés après la commercialisation d’un médicament (phase IV) que PatientsLikeMe met à la disposition des compagnies pharmaceutiques, plusieurs étant d’ailleurs devenues partenaires du projet. (6) PatientsLikeMe assure que les données sont transmises anonymement (symptômes et traitements) et que le recrutement des
membres pour les essais cliniques s’effectue sur une base volontaire, tout comme l’adhésion à la communauté.

De ce fait, PatientsLikeMe n’est pas considéré comme un organisme dispensateurs de soins et n’est donc pas soumis aux même règles que les institutions reconnues de santé. Toutefois, en démocratisant l’accès aux données recueillies, son impact peut être significatif et faire avancer la recherche comme jamais auparavant. Les utilisateurs sont, en quelque sorte, des béta testeurs à l’avant garde d’une nouvelle façon de gérer la maladie chronique, en participant à la construction d’une connaissance collective et documentée des maladies sous divers aspects. D’un point de vue communicationnel, il y a également plusieurs aspects intéressants dans le positionnement du site : son rôle d’outil de communication entre patients d’une part et, d’autre part, entre le patient et le médecin, avec toutes les nouvelles avenues que cela suppose. Sans oublier la contribution qu’elle peut apporter à la communauté scientifique, les patients pouvant prendre une part active à des recherches liées à leur maladie.

 

Références

1. http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/pdf2008/zoom_sante_mars08.pdf (page consultée le 28 novembre 2010)
2. H. GILMOUR, et J. PARK (2006). « Dépendance, problèmes chroniques et douleur chez les personnes âgées », Supplément aux Rapports sur la santé, vol. 16, p. 23-34, Statistique Canada, no 82-003 au catalogue.
3. S. MARTEL, et R. CHOINIÈRE (2007). Une estimation du fardeau de différentes maladies chroniques à partir de l’espérance de vie ajustée en fonction de l’état de santé, Québec, Institut national de santé publique du Québec, 31 p.
4. J.-F. LÉVESQUE, D. FELDMAN, C. DUFRESNE, P. BERGERON et B. PINARD (2007). L’implantation d’un modèle intégré de prévention et de gestion des maladies chroniques au Québec. Barrières et éléments facilitant (sic), Québec, Agence de la santé et des services sociaux de Montréal/Direction de la santé publique et Institut national de santé publique du Québec, 55 p.
5. http://www.colloquemaladieschroniques.com/ (page consultée le 28 novembre 2010)
6. http://blogsgrms.com/internetsante/2009/10/20/«-patients-like-me-»-la-voix-consolidee-des-patients-comme-alternative-aux-essais-cliniques/ (page consultée le 28 novembre 2010) [Illustrations : Patients Like Me / Dribbble]

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